Les pensées animent les jardins du festival à Chaumont-sur-Loire
Domaine de Chaumont-sur-Loire (41)
Depuis le 24 avril 2018 jusqu'au 4 novembre 2018, le Festival International des Jardins pour sa 27ème édition se décline en 26 créations paysagères sur le thème « Jardins de la pensée». Les concepteurs et paysagistes de ces jardins éphémères en compétition qui viennent du monde entier, ont eté sélectionnés par un jury présidé par par l’écrivain Jean Echenoz.
Blue Polyvitro Crystals, une sculpture de Dale Chihuly de 3 m de haut composé de
13 cristaux bleus en Polyvitro translucides (un matériau plastique) accompagnés
de 9 cristaux supplémentaires flottant sur l’étang qui s’étend tout autour.
Pour vous aider à décoder et mieux interpréter les concepts des jardins du Festival,
j'ai retranscrit pour vous les explications fournies sur le panonceau à l'entrée de chaque jardin.
Repère du festival : Le jardin de la pensée… Comment représenter nos pensées dans l’espace ?
À la manière d’un tableau de Magritte, Ceci n’est pas un jardin joue sur le décalage entre l’objet et sa représentation, entre l’objectivité et la subjectivité.
Le jardin offre ainsi un premier tableau d’apparat : jardin lisse et sans fin qui dérange. Le promeneur est intrigué par le chemin et une perspective tronquée, qui perturbe le tableau et le pousse à penser. Interpellé, il franchit une paroi étrange, conçue comme une membrane réfléchissante composée de miroirs, et s’immerge dans un vrai jardin, d’une nature bienfaisante, apaisante, qui panse et aide à penser.
Le visiteur interagit avec ce second jardin : il voit, il touche, il sent, il écoute et parcourt librement l’espace : il pense.
Repère du festival : L’étymologie du mot “pensée” est à la base du concept de ce jardin car le nom latin pensum désignait le poids de laine que l’on devait filer par jour.
Un fil de laine est déroulé sur une haie de branchages (haie de Benjes), qui s’articule dans un parcours curviligne et côtoie une succession de “tableaux vivants” évoquant des pensées en cage, des pensées épineuses, pensées folles, pensées d’ombre ou rebelles, pensées déformées et pensées sacrées.
À l’entrée du jardin, le visiteur est invité à prendre un fil de laine, symbole de la pensée, et à le nouer sur la haie de branchages tout au long du parcours.
À la fin de la saison, la haie sera recouverte de fils de laines, comme autant de pensées abandonnées par celles et ceux qui auront visité le jardin. La valeur symbolique de ce geste, nouer un fil de laine, se réfère aux traditions des Incas, qui constituaient une “mémoire technique” en combinant nœuds et couleurs de laine. Mais elle fait également référence aux traditions orientales qui invitent à abandonner la pensée, dans le jardin, pour supprimer l’ego et atteindre l’illumination.
Repère du festival : “Il me dit que son livre s’appelait Le Livre de sable, parce que ni ce livre ni le sable n’ont de commencement ni de fin.” Jorge Luis Borges, Fictions, Le Livre de Sable, 1983.
Repère du festival : Ce jardin propose au visiteur une évocation des formes géométriques, symboles et lieux sacrés, qui ont stimulé la pensée de l’Homme à travers les âges.
Tel un druide moderne, le promeneur sera accueilli, à l’entrée du jardin, sous une arche, surmontée d’un nœud de la Trinité, et dont les côtés rappelle une harpe de verdure. Puis, après avoir contourné un carré “sanctuaire”, il pourra admirer le liseré d’eau, miroir symbolisant les sources magiques et autres fontaines merveilleuses issues des légendes celtiques. Au centre du jardin, un grand tumulus pyramidal, luxuriant, rendra hommage au sol nourricier et portera l’abondance d’une récolte estivale et, tout autour, des totems végétalisés évoqueront les anciennes pierres levées.
Souvenir des temps anciens, hymne à la sagesse et à la force de la Nature, ce jardin représente l’espoir que l’Homme place en elle pour son propre avenir. La culture sur bottes de foin, hors sol et écologique, fait écho à l’inventivité des hommes pour préserver la vie sous toutes ses formes dans nos jardins.
Repère du festival : C’est une réinterprétation du Jardin des supplices, œuvre littéraire d’Octave Mirbeau, écrivain touche-à-tout de la fin du XIXème siècle, qui est proposée dans ce jardin.
Cet amoureux des plantes, proche de l’avant-garde artistique de l’époque (Monet, Rodin, Pissaro, Van Gogh) clame, par ce livre, la liberté du romancier et anticipe le surréalisme. Aujourd’hui encore, cette œuvre étrange composée “de catalogues Vilmorin et de rapports d’Amnesty International” conserve un arrière-goût de vitriol et une impertinence militante à méditer.
Le Jardin des supplices propose un exercice d’humour noir, où le vocabulaire paysager du jardin, lieu pacifié s’il en est, est détourné et dans lequel les plantes sont utilisées pour suggérer l’épouvantable et l’indicible, obligeant le visiteur à s’interroger sur les notions de bien et de mal, de beau et de laid.
Une promenade sinueuse égraine la galerie des supplices perpétrés au quotidien par le jardinier : on entrave les troncs, on ligature les branches, on démembre les trognes, on enfume les espèces indésirables et on éventre la terre nourricière… Ainsi, qu’est-ce qu’une cabane à outils, si ce n’est l’antre du bourreau ?
Repère du festival : Est-ce possible ? C’est une question que nous sommes nombreux à nous poser parfois, souvent, ou tout le temps.
Est-il possible qu’un arbre pousse au milieu d’une surface d’eau ?
Avec le changement climatique, les inondations, les fleuves qui montent et quittent leur lit, l’espace dont nous disposons va diminuer et l’on se posera la question de savoir comment composer dans un environnement différent.
Ce jardin est un lieu de méditation et de calme. Et c’est aussi un jardin de curiosité, qui nous invite à découvrir le sens caché d’une parcelle presque vide, entièrement couverte d’eau avec un seul arbre planté en son milieu. L’eau et les reflets sont deux éléments qui nous fascinent. Le miroir d’eau offre ainsi une scène aux spectateurs et les transforme en protagonistes de leur visite.
Repère du festival : Ce jardin est la métaphore, le lieu, l’instant d’un éveil. Jardin d’initiation et de contemplation, il évoque le passage vers l’éveil spirituel, le satori.
Après avoir traversé une haie sombre, le visiteur découvre un premier espace très lumineux recouvert de graviers blancs, véritable “étang sec” qui le prépare à une nouvelle expérience. Le chemin, ponctué de pas japonais et de dalles de schiste, se termine par une grosse pierre, sur laquelle il est invité à se déchausser, avant de traverser un mur de bois, évocateur d’un pavillon de thé, dans lequel il pénètre par une entrée basse et doit se courber, en signe d’humilité.
C’est alors que surgit un autre “étang sec”, bleu, traversé de risées, au-dessus duquel des buissons semblent flotter comme des rochers ronds. Érables et cerisiers du Japon complètent le décor. Le spectateur, assis sur la terrasse d’un pavillon rustique qui le relie au sol, contemple cet étang bleu, qui voit défiler les saisons, au fil des floraisons.
Tout est-il eau ? Tout n’est-il qu’artifice ? En cet instant sans fond, dans ce monde d’apparence, il y a le présent, intensément.
Repère du festival : “Un labyrinthe de labyrinthes, un sinueux labyrinthe croissant qui embrasserait le passé et l’avenir et qui impliquerait les astres en quelque sorte.” Jorge Luis Borges, Le jardin aux sentiers qui bifurquent.
Ce jardin s’inspire de l’aventure de Jorge Luis Borges, car dans Le jardin aux sentiers qui bifurquent, le narrateur, qui voyage au cœur de branches entremêlées, se retrouve confronté à des séries de croisements, pour finalement arriver dans une peupleraie au sein de laquelle il découvre que l’œuvre de ses ancêtres n’est pas un jardin, mais un roman déconcertant, “un labyrinthe dans lequel tous les hommes se perdraient”.
Un jardin, tout comme un roman, est un espace dans lequel se perdre. Et être perdu, c’est se retrouver. Les visiteurs de ce jardin Dans les bois feront peut-être la même expérience lorsqu’ils se retrouveront face à une forêt dense, ou dans un labyrinthe de planches en bois de cèdre brûlé et qu’ils devront prendre la décision de tourner à droite ou à gauche, vers une destination inconnue, que l’on ne peut apercevoir.
Repère du festival : La pensée est abordée comme étant un voyage, un voyage qui progresse dans les méandres du cerveau, tel un labyrinthe complexe dans lequel l’on se perd facilement, sans prendre le soin d’y dérouler un fil rouge. Le point de départ ou d’arrivée n’a pas réellement d’importance dans le voyage, car seul le voyage compte.
Repère du festival : Durant la période Joseon (1392-1897) en Corée, la majorité politique se servait de l’exil comme d’une forme ultime de châtiment, destiné à ceux qui s’opposaient à ses idéaux et à ses valeurs. Au lieu d’être punis par le travail forcé, les exilés devaient passer leur temps, voire le reste de leur vie, à confesser leurs crimes dans l’isolement. Il y avait, parmi eux, des artistes et des penseurs, qui nous ont légué des œuvres culturelles et littéraires uniques. L’action de pêcher est abondamment décrite dans cette “littérature d’exil”, mais plutôt que de capturer un poisson pour se nourrir, il s’agissait d’une pêche symbolique permettant de capturer le temps et les pensées.
Le jardin reprend cette image et est divisé en deux espaces : le premier, restreint, représente l’exil et l’autre, le jardin des pensées de ceux qui sont confinés. La canne à pêche, lourdement incurvée, exprime le désir de liberté, quant à la ligne de pêche, qui s’étend vers le monde extérieur, elle représente un filet de pensées.
Repère du festival : Pour les membres de l’Oulipo (OUvroir de LIttérature POtentielle), la poésie est faite de mots, et les mots sont constitués de lettres, consonnes et voyelles. L’idée nous est vite apparue d’écrire un poème dont les voyelles seraient remplacées par des fleurs, cinq espèces de fleurs pour les cinq voyelles. Ce serait ainsi un hommage direct à Baudelaire pour qui "les parfums, les couleurs et les sons se répondent" (sonnet Correspondances) et à Rimbaud qui associe les voyelles aux couleurs (sonnet Voyelles).
Le promeneur de notre parc serait amené à deviner l’intégralité du poème s’offrant à lui sous la forme d’un grand carré végétal, les consonnes étant déjà écrites en lettres de métal couleur rouille, et les voyelles n’étant que des couleurs de fleurs, dans un dégradé allant du chaud au froid, le E medium étant blanc.
Notre jardin, dont le titre est Le jardin des voyelles, est à la fois un plaisir de l’œil, un poème évoquant la divagation du promeneur solitaire de Chaumont-sur-Loire perdu dans ses pensées et une devinette, une sorte de plaisir de l’intellect et des sens réunis.
Repère du festival : La pensée et le paysage voyagent souvent de concert et, comme le soulignait Augustin Berque, “il ne fait de doute que le paysage appelle à penser d’une certaine manière, et même que certaines idées nous viennent justement du paysage.”
Ce jardin invite le visiteur à avancer sur un chemin de la pensée, qui prend ici la forme du symbole mathématique de l’infini… ou serait-ce celui de la sagesse, de l’éternité ou de la connaissance universelle ?
En déambulant sur ce “8” couché sans début ni fin, l’esprit du promeneur est conduit tour à tour vers des pensées célestes, guidées par des végétaux de forme apicale qui tendent vers le ciel et le soleil, et vers des pensées intérieures, symbolisées par des plantes rampantes entre les rochers. La mise en scène s’articule autour de deux formes opposées et complémentaires : le creux et le plein, le talus et le fossé.
A l’orée du jardin, le regard est arrêté par une butte sur laquelle différents gradins de graminées et de fleurs aériennes jouent avec le vent, tout en légèreté. La butte est couronnée par un pied de vigne majestueux qui enroule ses vrilles vers le haut. En contemplant cette composition toute en verticalité, les pensées sont légères, positives, tournées vers l’espace infini du ciel.
Dans la seconde boucle du promenoir, un jardin minéral, de roches concassées, entoure un cratère, qui figure le magma de l’écorce terrestre et dont la forme concave amène l’esprit vers une certaine introspection, voire un repli sur soi.
Comme nos pensées varient selon nos humeurs ou nos influences du moment, ce Promenoir infini nous entraîne dans une déambulation sans fin, entre grisaille et lumière, entre les entrailles de la terre et le ciel.
Repère du festival : Comment montrer la spécificité de l’être humain, être sensible et doué de raison ? Comment donner à voir cette expérience invisible qui résonne en chacun de nous ? Comment suggérer, de manière figurative, les méandres que trace notre esprit sans cesse sollicité par son environnement ?
C’est à ces questions que ce jardin tente de répondre en proposant une expérience physique, représentative du cheminement de notre esprit ; un parcours sur lequel jaillissent des idées, des sentiments et des pensées ; pensées rêveuses, pensées structurantes, pensées folles et pensées mélancoliques.
Représentés par des formes et des associations végétales spécifiques, ces états d’âme semblent, au fur et à mesure de la progression dans le jardin, nous assaillir et nous submerger.
Guidé par la protection bienveillante de Mélété, muse grecque de l’exercice et de la méditation, le visiteur se hisse sur un promontoire, tel un anachorète, où il est invité à prendre du recul et de la hauteur.
Prendre le temps d’une vision d’ensemble et de mise en perspective, s’extirper des turpitudes de l’esprit et faire le vide sont des étapes indispensables pour le visiteur sur le chemin de la pensée. Car c’est bien aussi à cela que servent les jardins.
Repère du festival : “…Et lorsqu’il arriverait à la lumière, les yeux inondés de l’éclat du jour, serait-il capable de voir ne fût-ce qu’une seule des choses qu’à présent on lui dirait être vraies ?” Platon, La République, Livre VII.
Voir, imaginer, se laisser séduire d’abord, puis arpenter, découvrir et comprendre. C’est ce que propose ce jardin avec une variation autour des thèmes exposés dans L’allégorie de la caverne de Platon. La déambulation en séquences au sein du jardin clos, ou hortus conclusus, invite à la réflexion, le temps d’une promenade.
D’abord faire croire à l’idée de nature, avant de pénétrer le lieu, grâce à une série de voilages dissimulant le jardin, et qui laissent entrevoir une végétation fantasque, animée par une composition de plumes colorées intrigantes et mouvantes.
Puis le visiteur avance, longe ce voile et commence à deviner les ombres des graminées, qui s’animent telles des ombres chinoises. Ensuite, à l’angle du parcours, les rideaux s’inversent et le promeneur se retrouve au cœur du lieu clos. Assis à l’abri des chaleurs estivales ou des intempéries, il comprend alors l’espace dans lequel il évolue. Un cloître asymétrique. Ce qui était caché au départ est désormais accessible.
Repère du festival : Selon une légende populaire du peuple amérindien des Ojibwés, l’attrape-rêve est un objet mystique permettant de capter les mauvais rêves et de ne garder que les positifs durant son sommeil.
Ce jardin met en scène le contraste entre rêve et cauchemar, entre rêve et réalité. La limite est parfois si fine. Les pensées, souvent, nous échappent et il serait bien difficile de leur donner une forme.
Le paysage mystérieux dans lequel le visiteur pénètre, va questionner ses peurs et ses désirs. Ces pensées refoulées que l’on exprime à travers les rêves et que l’on ne prend pas toujours le temps d’écouter. Les pensées intimes, qui n’appartiennent qu’à soi, méritent quelques minutes d’attention.
Alors pénétrez dans cette forêt luxuriante, regorgeant de vie et d’esprits malins. Explorez vos pensées. De l’ombre à la lumière, prenez le temps de la réflexion et réfugiez-vous sous la toile. Écoutez cette douce mélodie silencieuse. Par chance, si vous venez au petit matin, quelques gouttes de rosée perleront à vos pieds et vous chuchoteront peut-être les histoires contées pendant la nuit.
Repère du festival : “Tels ces tableaux trompeurs qui, regardés de face, ne montrent que confusion, mais qui, vus de biais, révèlent des formes distinctes.” William Shakespeare, Richard II, 1595.
Il y a entre la littérature, notamment celle de Shakespeare et l’art pictural, un procédé narratif commun à partir duquel les histoires sont construites sur une erreur d’appréciation et où tout est question de point de vue. Il s’agit de l’anamorphose.
Un jardin se raconte comme une histoire et suscite la pensée. Ici, le jardin propose deux ambiances végétales qui incarnent nos deux modes de penser : le rationnel et le maîtrisé, symbolisés par un jardin rouge, et l’imaginaire, la rêverie, réunis dans un jardin vert composé de plantes graphiques et légères.
Ces deux espaces s’articulent le long d’un parcours jalonné d’obstacles, à l’image du cheminement de la pensée et de ses méandres.
La palette végétale permet au jardin rouge de gagner en intensité au fil des saisons, reflétant la pensée qui mûrit et s’affirme avec le temps. C’est la rencontre ludique et troublante de l’imaginaire et du rationnel.
Repère du festival : Ce jardin est un clin d’œil à la saga littéraire et cinématographique Harry Potter, et plus spécifiquement au pouvoir de la “pensine”, réceptacle magique empli des pensées et des souvenirs de son utilisateur, qui les y a déposés, afin de s’en libérer.
Cette “pensine”, véritable lieu charnière du jardin, unit tout autant qu’elle sépare deux mondes : celui des ténèbres, sombre et maléfique, lieu de nos pensées tourmentées et celui de la clairvoyance, apaisé et structuré.
Dans la forêt interdite, reflet de notre fragilité à céder à nos propres démons, les végétaux aux feuillages sombres et aux écorces tortueuses obscurcissent les perspectives de passage. Soudain, happé par la lueur des graminées parcourant le jardin telles des pensées vagabondes, le visiteur accède à la “pensine”, réminiscence du patio des jardins arabo-andalous, propice à la réflexion. Une fontaine coule en son centre, symbole de la pensée en perpétuel mouvement. Désormais tout semble clair et dégagé : des fleurs lumineuses se dressent dans un agencement raisonné, allégories de la sagacité de l’être face aux moments menaçants et délicats de la vie.
Repère du festival : Ce jardin en spirale déroule le récit d’un recueil de poèmes en langue persane, La Conférence des oiseaux, publié en 1177 par le poète soufi Farid al-Din Attar, dans lequel un groupe d’oiseaux, mené par une huppe, se lance dans la traversée de sept vallées (quête, amour, connaissance, liberté solitaire, unité, perplexité, épuisement) afin d’atteindre le but initial de leur quête : trouver leur roi.
Tout en parcourant ce ruban végétal, allant de la terre vers le ciel, le visiteur est invité à lire les textes gravés au sol et à laisser ses sens s’éveiller au long de ce “fil jardiné”. La poésie propose un cheminement de la pensée, qui se construit, en sept étapes, sept extraits de La Conférence des oiseaux et de ses sept vallées. L’élévation physique, la variation des couleurs et des textures végétales vous invitent à la réflexion et à la contemplation. Jusqu’où vos pensées iront-elles ? Qu’allez-vous trouver ?
“Vous avez longtemps cheminé, vous avez cru vous perdre. Vous ne vous êtes pas quittés. C’est vous que vous avez trouvés.” Farid al-Din Attar
Repère du festival : Ce jardin fonctionne sur l’idée de la bulle et nous entraîne dans un univers contemplatif, propice à la pensée et à l’intime de l’imaginaire ("être dans sa bulle"). La bulle évoque un univers à part, qui peut être celui des autistes, mais également celui des enfants rêveurs, poètes en herbe, dont les pensées s’envolent par la fenêtre de la classe. Le jardin est une bulle de verdure, de nature et de calme propice à la contemplation, au cœur de la frénésie urbaine.
Suivons les pas du marquis de Girardin, créateur des jardins d’Ermenonville en 1766 et de Jean-Jacques rousseau. Ce jardin s’inscrit dans le thème du “jardin vécu”, au sein duquel l’observation et la découverte de la nature, la perception des sensations physiques et le rapport direct au monde réel libèrent et permettent d’éprouver le “sentiment de l’existence”, cher à Jean-Jacques rousseau. C’est là, dans l’instant présent, que la rêverie et les pensées vont prendre naissance, se développer puis s’élever.
Au XVIIIème siècle, les paysagistes anglais tels que Capability Brown remettent en question les jardins réguliers de la Renaissance et inventent de nouveaux espaces, dans lesquels les promeneurs sont soumis à des sensations multiples et variées. La diversité des parcours et des couleurs, la succession des scènes, la variation des niveaux cherchent à émouvoir autant qu’à surprendre afin de stimuler l’imagination et la réflexion.
Alors asseyons-nous, observons, écoutons le chant des oiseaux, jouissons des couleurs irisées des fleurs, laissons les rêves et les pensées nous envahir et nous rendre la spontanéité perdue.
Repère du festival : Ce jardin de Pascal Garbe et Didier Willery célèbre la pensée, la fleur, dans toute sa diversité, même si leur jardin s’annonce sous le titre trompeur, ambigu et humoristique de “la pensée unique”.
Le Festival International des Jardins de Chaumont-sur-Loire ne pouvait pas rendre hommage aux “Jardins de la Pensée” sans un clin d’œil aux “Pensées du jardinier”.
Le jardinier, simple amateur, confirmé, professionnel ou “du dimanche” pense aux plantes qui vont bientôt fleurir. Il pense aux nouvelles plantes peu connues qu’il va pouvoir installer dans ses massifs. Il pense également aux grands jardiniers et à leurs propres pensées.
Sa pensée évolue aussi avec le temps et il ne plante plus aujourd’hui comme on plantait hier. Il laisse son imagination, souvent débordante, divaguer au milieu des fleurs, des feuilles, des effluves… créer un patchwork beau et bon, une vision idéale du jardin et des massifs.
Enfin et parfois, il pense aux pensées, ces violas, symboles de l’Amour, à la fois belles et bonnes, idéales pour les jardiniers débutants. Viola cornuta, violettes de Toulouse, de Parme, odorantes ou encore de Cry, pensées horticoles ou sauvages, il se les imagine s’épanouir dans un pot, une suspension. Il les voit comme des ambassadrices du printemps ; des centaines de fleurs pendant de longues semaines comme une promesse de bonheur à la fois simple et subtil.
Pensées Jardinières vous emmène dans un voyage onirique dans lequel le jardin devient simple, beau, élégant, délicieux… tellement simple, tellement beau, tellement élégant, tellement délicieux…
… comme les promesses des pensées, un beau matin de printemps.
Repère du festival : Processus vivant toujours recommencé au cours de cycles qui se répètent indéfiniment de composition, décomposition, recomposition, la pensée est mouvement.
Comme l’écrivait le philosophe Montaigne dans ses Essais, "Le monde est une branloire pérenne" : le monde, et tout ce qui le constitue, est en évolution constante. Dans cette perspective, le visiteur est invité à entrer dans la danse de ce jardin en perpétuel devenir, en perpétuelle (r)évolution. Ici, ni début, ni fin.
Un monticule central, cône de couleur sombre à la masse fumante, surgit à la vue tel un soulèvement. Recouvert de compost, matière recyclée dans laquelle la vie renaît, il est le lieu d’une intense activité. Au gré des saisons, plantes sauvages, rudérales et volubiles écrivent leur partition dans cet espace où tout est mémoire et oubli de ce qui a été et de ce qui sera, où tout se recompose en se décomposant.
(R)évolution est une méditation, un hymne à la permanente impermanence de l’univers, un hymne à la beauté de son inachèvement.
Repère du festival : Située dans l'espace du Festival International des Jardins, cette serre aux formes résolument contemporaines présente une collection de Nymphéas tropicaux, véritables reines des plantes aquatiques, aux couleurs incarnates, roses, violettes, ou parmes.
Les Nymphéas tropicaux ont des fleurs et un feuillage beaucoup plus spectaculaires que les Nymphéas rustiques. Leurs fleurs atteignent souvent des tailles importantes, elles sont portées haut au-dessus de la surface de l'eau et ont un parfum puissant.
Bien que plantés plus tard en saison, les Nymphéas fleurissent encore à des dates avancées dans l'automne augmentant ainsi la durée d'agrément des bassins. Outre la beauté de leurs fleurs, ils sont très importants pour l’équilibre de l'eau. En effet, ils servent de parasol aux poissons l’été, ils oxygènent l’eau en se nourrissant des éléments nutritifs, ils servent d’abri aux alevins, de support aux libellules et de pied-à-terre aux rainettes.
Repère du festival : “Tout cela qui prend forme et solidité est sorti, ville et jardins, de ma tasse de thé”, Du côté de chez Swann, 1913, Marcel Proust.
Du temps de Marcel Proust, artistes, écrivains, peintres et aristocrates se livrent à un ballet mondain, teinté d’abondance. Tout au long de sa vie, l’auteur n’a cessé de penser et d’écrire sur ce théâtre social, vaste comédie humaine dans laquelle il évoluait. Ce jardin nous invite à parcourir le chemin de sa pensée, le cours de sa vie, en pénétrant tout d’abord dans un salon, véritable jardin intérieur garni de fauteuils anciens, d’un piano, de guéridons fleuris et de plantes ornementales. Puis le visiteur sort du salon et fait face à une prairie semée de fleurs champêtres, arborée de fruitiers, qui rappelle les tableaux de Claude Monet. Un muret jonché de plantes rampantes borde un chemin lumineux, qui fuit vers une épaisse végétation, puis le chemin se transforme en couloir, étroit, sinuant à travers bananiers, palmiers et autres bambous. Et au bout de ce sentier… une chapelle luxuriante, ornée de tentures pesantes et de plantes tropicales, engloutit le visiteur dans une sombre atmosphère.
Repère du festival : Une fois franchit le tunnel, évocation fantasmagorique du questionnement, la réflexion commence. Chacun parcourt alors en son âme et conscience son cheminement, dans cette bibliothèque végétale où les plantes, tels les ouvrages, y sont méticuleusement classées.
Qu’il choisisse les larges allées métaphores de la pensée unique ou les sentiers de traverse, plus incertains, étroits, empreints de liberté, le penseur trouvera le repos à l’ombre de la pergola tissée de toile capturant les pensées les plus volubiles. Ainsi installé sur les sièges de mosaïque, l’Homme contemple le chemin parcouru, la succession des lignes horizontales marquant les différents stades de la pensée. Son œil cadré entre les grands palmiers, il admire la délicatesse des fleurs de Cephalaria gigantea. Peut-être l’odeur de la Menthe poivrée frôlée au détour d’une allée l’entête, le suit, réveillant en lui une envie de voyage. Les libres penseurs que nous sommes avons la prétention de changer le monde avec nos fleurs…
Repère du festival : Ce jardin est profondément inspiré du poème Le nuage en pantalon du poète et dramaturge futuriste Vladimir Maïakovski (1893-1930), qui interpelle le lecteur sur la fragilité de l’existence, et du travail de Lazar Lissitzky, dit El Lissitzky (1890-1941), peintre et architecte de l’avant-garde russe du début du XXème siècle, qui rejette la tradition esthétique, exalte le monde moderne et prône une esthétique libératrice qui bouleverse les hiérarchies.
Dans un cercle d’herbes noires, un arbre est au cœur du jardin. Des vaisseaux rouges coulent le long de son tronc, de ses branches et se déversent dans l’herbe, symbolisant le système cardiovasculaire d’un organisme vivant. Des fleurs rouges parsèment l’herbe noire, telles des gouttes de sang. En se rapprochant de l’arbre, on peut même entendre le battement du cœur. Un chemin circulaire, rouge, autour de l’arbre, fait référence au passé révolutionnaire soviétique. Les plantes évoquent la tragédie de la vie de Maïakovski et les couleurs préférées des artistes de l’avant-garde russe.
Grâce à une mise en scène sonore, au contraste entre le rouge et le noir, le visiteur est invité à une introspection et à réfléchir sur son rôle dans le monde.
Repère du festival : À la manière de la Fontaine de Trevi, en Italie, qui reçoit les vœux, ou des arbres japonais qui absorbent en leur sein les murmures des prières, ce jardin représente un espace sacré dans lequel le visiteur est invité à venir déposer sa pensée la plus sincère, pour emplir progressivement le lieu par la somme des “fragments d’esprit” déposés.
Dans cet “entre deux mondes”, le promeneur découvre une structure de bois, qui le distancie du monde extérieur et l’enveloppe peu à peu, le menant à l’intérieur de ce temple, vers un jardin luxuriant, empli d’odeurs, de couleurs et de jeux de lumière.
Au début du chemin, on lui aura remis une graine, symbole de sa pensée en devenir, qui pourra être jetée au cœur de ce Temple de la pensée, pour germer à son tour.
Repère du festival : Ce jardin propose au visiteur une immersion dans le mécanisme universel de la pensée et tente de retranscrire les rouages mystérieux de la réflexion. Associé au vaste réseau de connexions de notre cerveau, il met en scène la divagation, cet instant où la pensée prend son envol et semble briser les barrières, grâce à un jeu de végétaux s’élevant vers le ciel.
Le visiteur traverse un tunnel, qui focalise son attention sur une sphère centrale, placée à son extrémité, comme s’il entrait dans la tête d’un autre individu. Puis, en pénétrant cette partie centrale, il est submergé par une constellation d’éléments en suspension, qui symbolisent les souvenirs, idées et émotions qui parcourent notre esprit.
C’est alors qu’arrive la pensée diffuse, vagabonde, insaisissable et c’est l’inspiration du poète qui est mise en scène. À l’image du Bateau Ivre, d’Arthur Rimbaud, qui l’emmène aux plus profonds et insoupçonnés paysages de son âme, ce jardin semble défier la pesanteur et accompagne le visiteur dans un lâcher prise cérébral.
Le Festival International des Jardins a décerné pour la cinquième fois, 4 prix et un coup de cœur. Ces distinctions récompensent le talent des concepteurs et créateurs des jardins du futur. Le 26 juin 2018, le jury, composé d’artistes, de paysagistes, de journalistes, de critiques d’art, de pépiniéristes et de jardiniers, a pris en considération l’originalité de la création, la qualité, l’harmonie végétale des différents jardins et la possibilité pour un jardinier amateur de réaliser chez lui un tel jardin.
- Le « Prix de la Création » récompense le travail l’équipe de concepteurs américains composée de Phoebe Lickwar, Matthew Donham, Hannah Moll et Andersen Woof pour « Dans les bois »; ils ont remarquablement su répondre au thème du Festival, avec un jardin d’une grande efficacité visuelle,évoquant l’univers de José Louis Borges, jardin tout à la fois innovant et excellemment végétalisé.
- Le « Prix Design et idées novatrices » récompense le travail de l’équipe de concepteurs de « Le livre de sable », composée de deux collectifs “Moonwalklocal” et “Paysagistes sans frontières” qui ont su créer un jardin singulier et contemporain d’une grande efficacité visuelle, exclusivement composé de végétaux de dunes et de sable.
- Le « Prix Palette et harmonie végétales » récompense le travail de l’équipe de concepteurs du « Entrez dans la pensine », composée de Bérengère Lecat et Stéphane Larcin qui ont su réaliser, avec harmonie et subtilité, un jardin composé d’une exceptionnelle diversité de plantes, pour une promenade qui allie découverte et é́merveillement, évoquant l’univers d’Harry Potter.
- Le « Prix Jardin transposable » récompense le travail de l’équipe de concepteurs de « Dans ma bulle » composée de Delphine Esterlingot et Hervé Paillot dont les visiteurs peuvent s’inspirer pour créer ou sublimer chez eux leur propre jardin.
- Le « Coup de cœur du jury » a été décerné au jardin « La possibilité d'une île», créé par créé par le concepteur allemand Ulli Heckmann en référence au roman « La possibilité d’une île » de Michel Houellebecq.
Domaine de Chaumont-sur-Loire
41150 Chaumont-sur-Loire
Tél. : 02 54 20 99 22
Fax : 02 54 20 99 24
www.domaine-chaumont.fr/
Le Jardin de sous-bois
Conçu par des étudiants de l’École Nationale Supérieure du Paysage de Blois,
en partenariat avec l’Union Nationale des Entreprises du Paysage,
ce jardin a été réalisé par les apprentis des CFA du Loir-et-Cher
et du CFPPA d’Indre-et-Loire dans le cadre d’un chantier école-entreprise.